L'INSTANT VINYLE

L'INSTANT VINYLE

Enfin un moment pour vous ! Vous choisissez un album, c'est l'instant vinyle...

Christian Biral

« Tu n’en as pas assez, des disques ? » est une phrase que Christian Biral a souvent entendue dès son adolescence. Depuis, il a fondé un groupe actif de collectionneurs, dans lequel on trouve des journalistes, disquaires, musicologues, bibliothécaires, musiciens, éditeurs, producteurs… Christian Biral est co-auteur de divers ouvrages : « Alabama Blues » avec Maryvonne Rippert et Cédric Vernet (Oskar) ; « QSO » avec Pierre-François Tareau et « Pop Hits » avec Christophe Drot (Popcards Factory). Il est animateur radio de l'émission "L'instant Vinyle" sur Blues Café Radio, qui vous propose de revisiter des 33 tours devenus objets de culte. Le MICG à Lyon lui a demandé de contribuer à l'exposition "Vinyles Mania" dans la partie "Portraits de diggers". Christian Biral est aussi le chanteur du groupe « Les Chics Types » (5 albums). Crédit visuel : Claire Mormina Photo - Idée originale de l'émission : Cédric Vernet

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ZUCCHERO SUGER FORNACIARI - L'INSTANT VINYLE DE BLUES ACTU RADIO

Aujourd'hui dans l’Instant Vinyle, BluesActuRadio vous emmène en Italie.
En 1986, Zucchero Sugar Fornaciari vient de passer 2 années aux U.S.A., une période qui l’a fait évoluer profondément. Il a ainsi pu rencontrer et travailler avec Randy Jackson, qui a obtenu un grammy award de la meilleure Performance R&B en tant que producteur.
En 1987, avec déjà plusieurs succès en Italie à son actif, et 3 albums derrière lui, il sort cet album, « Blue’s », avec lequel il va enfin pénétrer la scène internationale et être reconnu parmi les plus grands artistes mondiaux.
Un énorme travail a été réalisé sur les arrangements, et Zucchero livre ici une synthèse originale de la tradition mélodique italienne avec des éléments dérivés du blues, du gospel et de la soul.
Aux cuivres, les Memphis Horns, et Clarence Clemons, le fameux sax de Bruce Springsteen. Aux claviers David Sancious, qui a collaboré avec Eric Clapton , Bruce Springsteen, Carlos Santana, Peter Gabriel, Sting et bien d’autres, et aux chœurs gospel, la chorale de l’église adventiste.
On retrouve un très joli clin d’œil à cet aspect gospel avec la pochette, une photo assez pittoresque de Neal Slavin où l’on voit une chorale composée de chanteurs tous blacks, sauf un seul monsieur assez âgé, souriant, à la peau blanche. Au verso, c’est la même photo, avec cette fois le visage de Zucchero qui remplace celui du vieux monsieur.
Une énergie euphorisante marque cet album, « Blue’s », qui explique qu’encore aujourd’hui les fans entonnent ces chansons en chœur en concert. Les paroles de Zucchero font directement référence à sa vie. Par exemple, avec « Solo una sana e consapevole libidine salva il giovane dello stress et dall’azione cattolica » (« seule, une libido saine et consciente peut sauver la jeunesse et de l’action catholique ») Zucchero appelle à vivre l’amour en pleine conscience, avec un trait d’humour sur le poids de la religion catholique en Italie. Zucchero en connaît quelque chose, car il a commencé à chanter à l’église en tant qu’enfant de chœur, et y a pris ses premières leçons de musique. Son amour du gospel vient de là. C’est d’ailleurs à cette époque que sa maitresse d’école, qui l’appréciait beaucoup, l’avait affectueusement surnommé « Zucchero », plutôt que l’appeler par son prénom « Adelmo ».
L’énergie est présente, formidable, mais il faut savoir qu’en même temps cet album a été écrit à une phase difficile de la vie du chanteur, qui avait vraiment le blues : il était en train de se séparer de son épouse.
Dans « Hey Man », Zucchero aborde la recherche de compréhension et de compassion, à travers l’amitié. La chanson commence avec l’évocation de l’absence et de la séparation, puis Zucchero se tourne ensuite vers les autres, la recherche d’un ami pour lui tenir compagnie dans sa mélancolie. L’interprétation est absolument déchirante. Zucchero jouera plus tard cette chanson en live avec Eric Clapton et la réenregistrera aussi en duo avec B.B. King. Personnellement, je vois aussi dans cette chanson une référence à la grande inspiration de Zucchero, Joe Cocker, à qui il avait déjà dédié « Nuovo Meraviglioso Amico » (mon merveilleux nouvel ami) dans son album précédent.
Citons encore un autre monument de cet album (qui ne compte que des chansons excellentes) : « Dune mosse ». Elle aussi dédiée à la fin de l’histoire de Zucchero avec son épouse, et c’est un véritable voyage émotionnel. Dune mosse signifie « les dunes en mouvement ».
C’est une manière simple, douce et élégante d’exprimer les mouvements de l’Âme de Zucchero au cours de cette période : effondrement et remontée, comme le mouvement des vagues, ici, des vagues de sable.
Le texte joue beaucoup sur l’alternance entre l’anglais et l’italien, et utilise même des mots poétiques qui n’existent pas.
Par exemple, Zucchero chante « un viaggio al fondo ai tuoi occhi » Un voyage au fond de tes yeux,« Dai d’illusi smammai », « dans l’illusion des smammai». OK mais « smammai », qu’est ce que ça veut dire ? smammai ne signifie rien en italien, en fait il faut reprendre toute l’expression, pour comprendre que c’est simplement une évocation « Dai d’illusi smammai , cela fait penser à « I’ve been losing my mind » « J’ai perdu la tête ».
A l'écoute, cela semble être de l’italien courant, mais ces mots inventés créent une atmosphère et des images presque onirique. Cette habitude perdurera, c’est ce que Zucchero appelle l’usage d’un anglais « macaronique ».
Dans cette chanson les paroles atteignent un sommet de poésie, avec des formules comme «Dentro una lacrima e verso il sole », ce qui signifie littéralement « dans une larme et vers le soleil », car ici tout est sable, eau et soleil, pour exprimer les sentiments de Zucchero : « La pioggia in fondo ai tuoi occhi Cancellò dune mosse » : la pluie au fond de tes yeux a effacé les dunes agitées.
Terminons par une anecdote. La chanson « Dune mosse » a réussi à impressionner Miles Davis qui, après avoir écouté le morceau, a accepté de collaborer avec Zucchero et de la réenregistrer avec lui.
Suite à la parution de cet album, la carrière de Zucchero ne cessera pas de prendre de l’ampleur. Voici quelques noms parmi ceux qui vont collaborer avec lui par la suite : Luciano Pavarotti, John Lee Hooker, Sting, Don Was, Bono, Elvis Costello, Ennio Morricone, Stevie Ray Vaughan, Eric Clapton, B.B. King, et même notre Johnny national. Zucchero en est aujourd’hui à plus de 40 ans de carrière et 60 millions de disques vendus. Sur scène, il est à découvrir absolument.

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THE EVERLY BROTHERS - L'INSTANT VINYLE DE BLUES ACTU RADIO

« Bye Bye Love » : vous connaissez sans doute cette chanson par les célébrissimes Simon & Garfunkel. Saviez-vous qu’il s’agit d’une reprise des Everly Brothers ? Nombreux sont celles et ceux qui ont repris des chansons des deux frères : Alison Krauss et Robert Plant, Norah Jones et Billie Joe Armstrong, Françoise Hardy, Etienne Daho, REM, Ray Charles, Rod Stewart, George Harrison, Eddie Vedder, Status Quo, Linda Ronstadt et même les Who.
Qui sont ces fameux Everly Brothers ? Leur carrière débute alors qu’ils n’ont pas 20 ans, sous la direction de Chet Atkins. Dans les 3 années qui suivent leur premier succès en 1957, ils vendront 15 millions de disques ! Ils feront des concerts avec les plus grandes stars de la country comme Johnny Cash et du rock comme Eddie Cochran et Gene Vincent.
Pendant les 8 ans suivant leurs débuts, les Everly Brothers restent immensément populaires et ils tourneront ensemble jusqu’en 1973. Dix ans plus tard, leur comeback sera fracassant avec un album produit par Dave Edmunds. Ils ne s’arrêteront plus de se produire en concert, jusqu’à la mort de Phil, en 2014, à 75 ans. Don disparaitra 7 ans plus tard à l’âge de 84 ans.
McCartney a déclaré : « Phil Everly était un de mes grands héros. Avec son frère Don, ils ont été une des influences majeures des Beatles. Quand John et moi avons commencé à écrire des chansons, j’étais Phil et il était Don ».
Les Everly Brothers sont des pionniers du country rock et nous laissent un magnifique héritage, qui a gardé tout son charme et sa fraîcheur.

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NICOLAS BRAVIN - L'INSTANT VINYLE DE BLUES ACTU RADIO - 461 OCEAN BOULEVARD - ERIC CLAPTON

Pour le nouvel épisode de l’Instant Vinyle de Blues Actu Radio, Christian Biral a invité Nicolas Bravin. Il nous emmène redécouvrir 461 Ocean Boulevard, un des albums majeurs dans l’histoire d’Eric Clapton.
Nicolas Bravin est un guitariste raffiné aux projets multiples, notamment connu pour son talent « couteau suisse » en studio et sur scène au sein du groupe de Louis Bertignac, les « Visiteurs ». Il nous invite à explorer l’alchimie miraculeuse qui a permis le come-back d’Eric Clapton en 1974, qui va retrouver succès critique et commercial avec un album exceptionnel.
Après ses expériences chez Cream, Derek and the Dominos, Delaney and Bonnie, et un premier album solo qui n’a pas convaincu, c’est au Criteria Sound Studios situés au 461 Ocean Boulevard en Floride, avec son fidèle bassiste Carl Radle et des musiciens locaux, que la magie va s’opérer. Cet épisode de l’Instant Vinyle vous permet de pousser la porte de la maison bordée de palmiers que l’on voit sur la pochette, pour vous installer avec les musiciens dans une atmosphère intimiste et chaleureuse.
L’album montre plusieurs facettes d’Eric Clapton. Il garde ses racines blues (reprises d’Elmore James et de Johnny Otis) mais avec une patte mélodique et un chant souvent intimiste. Ses compositions font mouche : « Let it grow » « Give me strength » sont renversantes). Sa reprise de « I shot the sheriff » va devenir un hit interplanétaire et révéler au grand public un jeune inconnu : Bob Marley. La réussite est totale. Eric Clapton semble enfin apaisé, et joue tout en sobriété, en retenue et en élégance. Replongez-vous avec délices dans 461 Ocean Boulevard d’Eric Clapton sur Blues Actu Radio !

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TAYLOR SWIFT - L'INSTANT VINYLE DE BLUES ACTU RADIO - FOLKLORE : THE LONG POND STUDIO SESSIONS

C’est dans une cabane, au fond d’une forêt de l’Hudson Valley, que trois musiciens de la scène rock alternative et indie folk américaine se réunissent autour de Taylor Swift, pour enregistrer live les chansons du retour vers ses racines country. Découvrez « Folklore : The Long Pond Studio Session » avec Milena Dvorec, « Swiftie » londonienne de passage en France.
Taylor Swift : chacun en a forcément entendu parler. Chez Blues Actu Radio, avouons qu’on en avait une vague image de chanteuse pop qui remplit des stades avec des shows spectaculaires et de la musique que nous croyions destinée uniquement pour les jeunes.
C’est oublier qu’elle a débuté il y a 18 ans (!) dans la country, et parmi ses 11 albums, nous vous proposons, pour ce numéro de l’Instant Vinyle, de nous plonger dans une nouvelle pépite.
Pendant le confinement, Taylor Swift retourne vers ses racines et enregistre 17 chansons très éloignées de la pop de ses précédents albums, en secret, à la grande surprise de ses fans et de sa maison de disques, mise au courant de la sortie de l’album seulement quelques heures avant son lancement en ligne !
Piano et guitare prédominent, avec aux manettes Aaron Dessner (The National) et de Jack Antonoff (des Bleachers). Tout est fait à distance. L’inspiration de Taylor Swift explore de nouveaux thèmes dont le plus marquant est sans doute l’empathie, et le processus de création de l’album est étonnamment prolifique d’après les collaborateurs de la star. Se disant inspirée par Dylan (époque Freewheelin’) elle raconte des histoires avec des personnages autres qu’elle-même (un meurtrier, une fillette de sept ans avec un ami traumatisé, une vieille veuve rejetée, des alcooliques en convalescence, un triangle amoureux de personnages qui racontent une histoire à différents moments de leur vie), ce qui ouvre la porte à des chansons évoquant nostalgie, contemplation et romantisme, mais aussi dépression et dépendance.
D’autre part, Taylor Swift se libère des préoccupations qui sont la règle habituelle dans ses créations : les questions comme "Comment cette chanson sonnera-t-elle dans un stade ? Comment cette chanson sonnera-t-elle à la radio ? » sont enfin oubliées le temps de cette parenthèse « Folklore », album authentique. A ce titre, Aaron Dessner dira : "il y a une humanité, une chaleur et une émotion brute palpables dans ces chansons. J'espère que vous les aimerez et qu’elles vous réconforteront autant que moi."
Devant l’accueil positivement unanime de cet album, Taylor Swift en sortira d’ailleurs un autre dans la même veine (« Evermore ») et n’oubliera jamais d’inclure un moment « cabane au fond des bois » dans ses concerts ultérieurs.
Si l’album original « Folklore » est excellent, on peut lui reprocher un son très « produit » (« chamber pop » « dream pop » diront certains). Or, dès que le confinement prend fin, Taylor Swift a l’idée de réenregistrer live en studio toutes les chansons de « Folklore » (devant les caméras mais sans public).
Et là, c’est un petit miracle : la magie opère dans cette nouvelle version « Long Pond Studio Sessions » dépouillée, intime (seulement 3 musiciens) qui sonne bien plus « roots ». Face à la chanteuse, vêtue d’une immense chemise à carreaux, souriante, sereine, décontractée, on a envie de dire « Chapeau (Stetson) l’artiste ! ».